écritures contemporaines

Dominique Viart (dir.), La littérature française du XXe siècle lue de l’étranger, Villeneuve d’Ascq, Septentrion, coll. « Perspectives », 2011.

À l’heure où l’on s’inquiète de la place de la lit­té­ra­ture fran­çaise sur la scène inter­na­tio­nale, cet ouvrage établit l’état actuel des recher­ches qui lui sont consa­crées dans le monde. Il pré­sente les ensei­gne­ments, tra­vaux et publi­ca­tions, et met en évidence les par­ti­cu­la­ri­tés obser­va­bles selon la diver­sité des zones géo­gra­phi­ques, lin­guis­ti­ques et cultu­rel­les. Après la domi­na­tion suc­ces­sive des écoles for­ma­lis­tes et struc­tu­ra­les, puis de celles issues de la French Theory et de la décons­truc­tion, aucune méthode ne semble aujourd’hui s’impo­ser, et la recher­che, désor­mais plus syn­cré­ti­que, pré­fère croi­ser des appro­ches de nature diverse. Quelques-uns des meilleurs spé­cia­lis­tes mon­diaux mon­trent ainsi quels sont, depuis le bas­cu­le­ment d’un siècle à l’autre, les écrivains et les esthé­ti­ques les plus étudiés, les métho­des cri­ti­ques pri­vi­lé­giées et les rela­tions qu’elles entre­tien­nent avec les autres dis­ci­pli­nes de la pensée.



Laurent Demanze, Gérard Macé, l’invention de la mémoire, Paris, Librairie José Corti, 2009.

Proses poé­ti­ques et bio­gra­phies ima­gi­nai­res, rêve­ries érudites et lec­tu­res vaga­bon­des, l’œuvre de Gérard Macé s’écrit à l’écart des genres. Elle va à rebours du pré­sent et explore les temps anté­rieurs, non par goût de l’archive, mais pour y puiser des pen­sées nou­vel­les. Car Gérard Macé ne sépare pas l’inven­tion et la mémoire, dans des livres où la fic­tion et les sou­ve­nirs, l’essai et la rêve­rie se confon­dent. Il s’invente une mémoire comme on endosse un cos­tume d’emprunt, et réen­chante son passé à mesure qu’il s’enfonce dans ses lec­tu­res. Le réel et l’ima­gi­naire, le fami­lier et l’étranger s’échangent alors, en brouillant les iden­ti­tés au fil des pages tour­nées. Pourtant, Gérard Macé ne s’égare pas seu­le­ment dans le laby­rin­the des biblio­thè­ques, puisqu’il invite au dépay­se­ment, dans les détours du voyage ou les décen­tre­ments de la tra­duc­tion. Il puise à l’exac­ti­tude du concret, trans­crit un détail attesté ou s’aven­ture dans les scien­ces humai­nes, pour dire le monde avec luci­dité. A la manière des col­por­teurs, il mêle la pré­ci­sion des savoirs et l’enchan­te­ment de la rêve­rie, avec le souci de la trou­vaille. Mais trans­po­ser ses sou­ve­nirs ou saisir le réel dans ses pho­to­gra­phies, consi­gner ses lec­tu­res ou partir dans le sillage des explo­ra­teurs, c’est tou­jours élaborer une poé­ti­que de la mémoire. Car c’est l’ébranlement d’une ren­contre qui condi­tionne le retour du passé et permet de célé­brer les retrou­vailles.



Dominique Viart et Dominique Rabaté (dir.), Écritures blanches, Saint-Étienne, Presses universitaires de Saint-Étienne, 2009.

La notion d’« écriture blan­che », avan­cée par Roland Barthes dans Le Degré zéro de l’écriture, à propos de Camus, Cayrol et de Blanchot, a connu et conti­nue de connaî­tre une for­tune cri­ti­que impor­tante. Légitimement étendue aux œuvres de Perec, Ernaux, Bove, Duras, comme à la poésie anti-lyri­que, reven­di­quée par les uns mais contes­tée par les autres, cette caté­go­rie est désor­mais invo­quée pour dési­gner des formes et des genres d’écriture et des choix sty­lis­ti­ques très divers. Dans un dia­lo­gue ori­gi­nal entre études cri­ti­ques et paro­les d’écrivains (Annie Ernaux, Leslie Kaplan, Emmanuel Hocquard, Christian Oster et Antoine Emaz), le pré­sent ouvrage déploie l’his­toire et la théo­rie de cette notion cri­ti­que, envi­sage ses appli­ca­tions, ses valeurs méta­pho­ri­ques et ses fron­tiè­res avec les autres arts, notam­ment avec le « mini­ma­lisme » plas­ti­que et la pho­to­gra­phie. En posant la ques­tion cru­ciale du style lit­té­raire dans la lit­té­ra­ture contem­po­raine, il permet ainsi de cerner pour la pre­mière fois une notion capi­tale dans les enjeux esthé­ti­ques d’aujourd’hui.



Dominique Viart, Bruno Vercier, La Littérature française au présent, Paris, Bordas, 2008 [2005].

Objet de polé­mi­ques et d’enthou­sias­mes, la lit­té­ra­ture fran­çaise s’est pro­fon­dé­ment renou­ve­lée depuis la fin des années 1970. À nou­veau en prise sur le monde, elle sus­cite les débats, les inter­ro­ga­tions. Des formes iné­di­tes sont appa­rues, des écrivains de talent se sont impo­sés, bous­cu­lant les usages lit­té­rai­res. Comment com­pren­dre ce qui s’écrit aujourd’hui ? En invi­tant à décou­vrir les œuvres les plus fortes de notre temps, cet ouvrage montre la pro­di­gieuse vita­lité d’une lit­té­ra­ture mal connue. Il en sou­li­gne les riches­ses et dévoile les nou­veaux enjeux de l’écriture face au monde contem­po­rain.



Laurent Demanze, Encres orphelines : Pierre Bergounioux, Gérard Macé, Pierre Michon, Paris, Librairie José Corti, 2008.

Dans un temps de trans­mis­sion empê­chée et de tra­di­tion mor­ce­lée, la lit­té­ra­ture contem­po­raine inter­roge les figu­res évanouies de l’ascen­dance. Tour à tour inves­ti­ga­tion généa­lo­gi­que et res­ti­tu­tion bio­gra­phi­que, les livres de Pierre Bergounioux, Gérard Macé et Pierre Michon s’écrivent à rebours de l’amné­sie moderne. Car la moder­nité fait peu de cas des heures révo­lues et des êtres minus­cu­les, des héri­ta­ges secrets et des filia­tions tra­ver­siè­res. Entre inquié­tude et mélan­co­lie, ces trois auteurs se res­sai­sis­sent d’un passé fami­lial lacu­naire, dans un souci de mémoire aux cou­leurs de deuil. C’est la mélan­co­lie qui taraude ce livre. La mélan­co­lie d’écrivains qui ne se rési­gnent pas à faire le deuil des temps désuets. La mélan­co­lie aussi de leurs récits de filia­tion, où se dit la figure fin de siècle d’un indi­vidu hanté par les fan­tô­mes de l’ascen­dance et par leurs désirs inac­com­plis. La mélan­co­lie, enfin, d’une mémoire encom­brée par les sou­ve­nirs de lec­ture et l’aura des livres d’autre­fois. C’est elle qui donne à ce livre sa tona­lité funè­bre, c’est elle encore qui module dans les textes de Pierre Bergounioux, Gérard Macé et Pierre Michon l’élégie d’un monde dis­paru. Mais cette teinte sombre, qui colore leurs écritures, ne se réduit pas aux inflexions de l’humeur ni aux som­bres cogi­ta­tions. Elle est aussi une pas­sion de l’alté­rité, qui recueille les des­tins déshé­ri­tés de l’ascen­dance et res­ti­tue leur éclat sin­gu­lier. Il y va ainsi dans cette mélan­co­lie contem­po­raine d’une éthique de la lit­té­ra­ture.