écritures contemporaines

 

Ecritures contemporaines : texte de cadrage

La lit­té­ra­ture actuelle n’est ni morte ni mori­bonde. Bien au contraire, le champ lit­té­raire contem­po­rain est tra­versé de muta­tions pro­fon­des qui attes­tent sa vita­lité. Mais peu d’entre elles sont sou­te­nues ou sous-ten­dues par des réflexions théo­ri­ques qui vien­draient en bali­ser les avan­cées. La pro­duc­tion se déploie en effet hors des théo­ries et des écoles, chaque écrivain frayant sa voie dans la soli­tude de ses préoc­cu­pa­tions. Alors que cer­tains pour­sui­vent leur tra­vail de recher­ches for­mel­les et d’expé­ri­men­ta­tions, d’autres, peut-être aujourd’hui plus nom­breux, ten­tent de renouer avec la voca­tion lyri­que, le plai­sir du récit, l’expres­sion du sujet ou la ren­contre du réel. Ils ne font pas pour autant l’économie de ces cri­ti­ques radi­ca­les qui, à l’époque du struc­tu­ra­lisme et du « Nouveau Roman », ont démon­tré les illu­sions de la repré­sen­ta­tion et l’inau­then­ti­cité de toute écriture de soi. Loin d’être déli­vrés du soup­çon, les écrivains de notre temps en assu­ment la pré­sence et tra­vaillent avec la cons­cience même des dif­fi­cultés et des vicis­si­tu­des de la parole, qu’il s’agisse de les moquer ou de les affron­ter.

Dès lors com­ment décrire et étudier l’art pré­sent des Lettres ? Comment mesu­rer ce qui est à l’œuvre aujourd’hui ? On sort de ces lec­tu­res par­tagé entre l’égarement et la convic­tion que quel­que chose d’impor­tant agite la créa­tion lit­té­raire. Les clas­si­fi­ca­tions avan­cées ici ou là se révè­lent bien sou­vent pro­blé­ma­ti­ques, ce qui n’est pas, du reste, le moin­dre de leurs inté­rêts. Toutes ces ques­tions nous ont semblé dignes des exi­gen­ces du tra­vail uni­ver­si­taire –et c’est à elles qu’entend se vouer la Série Écritures contem­po­rai­nes, pro­lon­ge­ment de L’Icosathèque (20th) dans la col­lec­tion « La Revue des let­tres moder­nes ».

La réflexion sur la lit­té­ra­ture actuelle est sans doute plus « ris­quée » que celle qui s’atta­che aux lit­té­ra­tu­res pas­sées. Les métho­des de cri­ti­que uni­ver­si­taire n’en seront que plus utiles par leur sérieux et leur effi­ca­cité. Il s’agit de cher­cher com­ment une œuvre s’insère dans un ensem­ble de ques­tions que la lit­té­ra­ture s’adresse à elle-même et des­tine à son temps, quel­les que soient les époques. La créa­tion contem­po­raine a en outre la par­ti­cu­la­rité de revi­si­ter le passé, de convo­quer au cours de ses pages les gran­des œuvres dont elle assume ou récuse l’héri­tage.

La Série Écritures contem­po­rai­nes devrait per­met­tre de des­si­ner, au fil de ses paru­tions, le pay­sage cri­ti­que, esthé­ti­que, voire idéo­lo­gi­que de la lit­té­ra­ture pré­sente, de mesu­rer les rela­tions qu’elle entre­tient avec les autres dis­ci­pli­nes intel­lec­tuel­les ou artis­ti­ques et avec le monde dans lequel elle s’élabore. Au moment où la cri­ti­que lit­té­raire connaît elle-même une cer­taine remise en ques­tion de ses élaborations théo­ri­ques, cette Série offrira ainsi une réponse à qui déplore la trop grande dilu­tion du tra­vail uni­ver­si­taire dans des études iso­lées, trop par­tiel­les ou par­ti­cu­liè­res, l’ensem­ble des livrai­sons cons­trui­sant peu à peu un véri­ta­ble « état cri­ti­que » de la lit­té­ra­ture contem­po­raine.

Dominique VIART (1998)